La crise sanitaire du COVID-19 a été révélatrice de certains dysfonctionnements de notre système de santé : manque de blouses, de gants, de gel hydro-alcoolique, de respirateurs en lits de réanimation… et aujourd’hui, après la fin du confinement, la capacité de réaliser des tests sérologiques en grand nombre…ou d’identifier rapidement les « clusters ».

Au-delà de ces dysfonctionnements, nous avons cependant observé une très grande solidarité de nos concitoyens pour faire face aux impacts de la maladie et du confinement : fabrication de masques, livraison de repas aux soignants, maintien des liens sociaux avec les personnes âgées/dépendantes/isolées… mais hélas également des comportements inappropriés (cf. mon édito du mois d’avril[1]).

Au cours de cette période inédite, l’usage de la téléconsultation s’est imposé de lui-même, probablement accéléré par la peur de la population d’être contaminée lors d’une consultation en ville ou à l’hôpital. Les chiffres[2] de l’Assurance Maladie montrent bien ce décollage : plus d’un million de téléconsultations la 1ère semaine d’avril 2020 vs 10.000 par semaine avant mars 2020 !

Il est fort probable que la télémédecine soit (enfin) entrée dans les pratiques médicales. Elle est tout du moins devenue maintenant un « service » adopté et souhaité par les patients[3]. Pour allier efficacité et humanité, il est donc urgent de promouvoir, au sein de notre système de protection sociale, un véritable parcours digitalisé du patient.

 

Sous la forme d'un storyboard, imaginons une brève histoire de l’avenir de la e-santé et projetons-nous en 2030 !

Nemo souffre d'une douleur à la poitrine

 En amont d’une prise en charge :

Le patient Némo, au travers d’une alerte générée par sa montre connectée qui permet un suivi de son rythme cardiaque, indique un risque d’infarctus du myocarde ! Des notifications l’en informent sur différentes interfaces (application mobile, objet connecté lui-même, messagerie électronique...).

monitoring par un médecin numérique

Dans le cas où il ne consulterait pas la notification sous un délai paramétré en amont, son « ange gardien numérique », prénommé Raphaëlle, intervient alors pour lui éviter le pire. Raphaëlle est une IA éthique[4] développée par un consortium public-privé. Elle est programmée pour envoyer directement la notification d’alerte à un centre d’appels « médicalisé » où un professionnel de santé. Grâce à son intervention, une infirmière spécialisée ou un assistant de régulation médicale (ARM) peuvent détecter et qualifier le risque de manière très fine, avec l’aide de plateformes multiservices de e-santé comme Anamnèse[5], sous la supervision d’un médecin spécialiste (urgentiste et médecin numérique[6]). 

L’ARM de la plate-forme téléphonique santé, faute d’avoir pu joindre le patient directement, prend alors contact avec les services d’urgence (Pompiers/SMUR/SOS médecins : l’intermodalité des services étant depuis longtemps mise en place grâce aux travaux d’interopérabilité des Systèmes d’information SAMU et Pompiers NeXIS) en transmettant les informations d’alerte et déclenchant l’intervention des secours.

Toutes ces innovations ont émergé de l’initiative #TechForRescue de l’association Atraksis[7].

 Si Némo est joignable, l’assistant de régulation médicale voit immédiatement, par un appel « augmenté » de type Speakylink[8] (solution de téléconsultation vidéo), son teint blafard et déclenche aussitôt les services d’urgence adéquats en fonction de sa géolocalisation. Les smartphones, en 2030, permettent l’activation forcée de la puce GPS de l’appareil en mode « bris de glace ». Parallèlement, les bons samaritains[9] sont prévenus pour pouvoir prêter assistance aux patients, en attendant l’arrivée des secours.

 

Au cours de la prise en charge :

Sur le terrain, les équipes de secours Pompiers ou SAMU sont équipées pour transmettre un ECG directement au cardiologue et confirmer, par télédiagnostic, une intervention rapide au bloc, comme une pose de stent ou une chirurgie cardiaque si l’état du patient est jugé trop grave. Grâce à une gestion optimisée des places en temps réel et un déploiement du Répertoire Opérationnel des Ressources (ROR), la structure hospitalière pré-identifiée pour l’intervention est en capacité de préparer, dans des conditions optimales, une prise en charge fluidifiée.

 

En aval de sa prise en charge :

Némo choisit, à partir à son lit d’hospitalisation, son télésuivi post-op à partir d’une liste de différents prestataires recensés dans le cadre de l’espace numérique de santé (ENS), créé à la suite du programme Ma Santé 2022[10]. Sa décision est éventuellement guidée par la recommandation de son médecin traitant qui utilise une version professionnelle du Bouquet de Services, interconnecté avec le dossier patient informatisé de l’hôpital et en cabinet libéral. En effet, le médecin traitant de Némo est prévenu en quasi-temps réel de son incident cardiaque, et non pas entre 2 à 4 semaines après sa sortie par un courrier papier de l’hôpital ou une semaine si l’établissement avait mis en place la messagerie sécurisée de santé (MSSanté) comme c’était le cas il y a encore quelques années.

Némo peut ainsi retourner sereinement à son domicile et bénéficier de différentes offres de services, notamment la livraison de matériel médical à domicile, effectuée souvent par drone, et éventuellement une aide-ménagère ou de livraison de repas, le temps de sa convalescence. Némo a la chance d’habiter Grenoble et son Conseil départemental lui permet d’accéder à ce service au travers d’Isere@Dom[11].

 

 

Autre cas à forte probabilité d’occurrence : les maladies chroniques.

En amont d’une prise en charge :

Après son incident cardiaque et sa récupération, Némo est maintenant insuffisant cardiaque. Ayant souscrit à Vivoptim Solutions[12] , il bénéficie d’un télésuivi par la plate-forme médicalisée à distance de sa mutuelle. Il dispose ainsi d’une prise de contact régulière par son infirmière référente pour qu’il réalise ses exercices physiques, y compris de temps en temps un test rapide de son état de santé psychologique. Comme après le confinement en 2020, son incident cardiaque a sur lui l’effet stressant d’un « choc post-traumatique ».

En phase de prise en charge

Le médecin traitant de Némo peut réaliser une téléconsultation lors des visites de l’infirmière à qui la délégation de tâches permet, notamment, la pose de capteurs pour permettre un ECG de contrôle. Cet ECG est interprété en temps réel, par un algorithme-expert, validé par la Haute Autorité de Santé (HAS). En effet, le matériel utilisé par l’infirmière est bien un dispositif médical (DM), au sens de la réglementation. Némo a eu de la chance lors de son incident cardiaque puisque sa montre connectée n’a pas obtenu le marquage européen CE. Cette société est d’ailleurs en perte de vitesse, car le non-respect de la réglementation des DM[13] lui a coûté très cher : son modèle de montre connectée ne détectant des problèmes cardiaques qu’une fois sur deux, les procès avec les familles de patients décédés ont été le scandale sanitaire de l’année 2030.

Heureusement pour Némo, le cardiologue en téléconsultation est disponible ce jour-là. Il indique à distance à l’infirmière certains gestes pour compléter l’examen clinique. Le cardiologue décide de prescrire les éventuels compléments d’examens comme une écho-cardiaque pour s’assurer que le stent n’a pas bougé, et de modifier l’ordonnance de son  patient, transmise directement par e-Prescription dans son dossier médical en ligne qu’il pourra partager avec sa pharmacie de quartier. Cette dernière lui délivrera ensuite le médicament, directement au guichet ou via l’application mobile.

En outre, l’infirmière libérale a la possibilité de lui faire sur place un rappel d’un certain nombre de bonnes pratiques sur le suivi de son régime alimentaire, son activité physique encore trop irrégulière ou bien encore sur les consignes à suivre, en vue de son écho-cardiaque qui l’inquiète un peu (pour l’avoir vu pratiquer, lors de mes études[14] au service de cardiologie du CHU de Grenoble-Alpes, avaler une sonde échographique n’est pas très agréable ! ). C’est son infirmière elle-même en tant que professionnelle de santé qui sollicite le RDV auprès du radiologue selon les disponibilités de Némo, à partir de son application d’agenda partagé professionnel. Némo peut, bien entendu, modifier son rendez-vous en cas d’imprévu. Si l’examen complémentaire est urgent, il est pris en charge directement dans la continuité de son rendez-vous par l’infirmière, avec la réservation d’une ambulance pour faciliter son transport.

 

Ce parcours montre clairement que la prévention est indispensable.

Némo  regrette que les services de suivi de santé au sein de son entreprise auprès de la médecine du travail n’aient pas été mis en place suffisamment tôt pour lui permettre de bénéficier de toutes les actions de prévention. Il aurait été plus facile d’anticiper toute la séquence de soins décrite précédemment.

En effet, identifié comme un profil à risque, Némo aurait pu être orienté depuis plusieurs années vers différents acteurs capables de limiter voire d’endiguer les mauvaises habitudes de vie le conduisant inexorablement vers cet infarctus du myocarde. 

Il aurait ainsi pu bénéficier des différentes offres de sa mutuelle santé financée par son employeur et suivre en continu les évolutions des bonnes pratiques recommandées par les instances nationales et internationales, basées sur des preuves scientifiques complémentaires de la médecine personnalisée, préventive, prédictive et participative (Médecine 4P) complétée par les Preuvesla fameuse médecine des 5P !

 

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LES AUTEURS

Didier Ambroise .

Associé fondateur de Doshas Consulting, cabinet spécialiste de la transformation numérique des acteurs de la santé. Il est également secrétaire général du Think Tank « Le Cercle de la Donnée » et copilote le Groupe de Travail « développement économique des entreprises en France et à l’International » du Conseil du Numérique en Santé (CNS).

Références bibliographiques :

[1] https://doshas-consulting.com/actualites/125-edito-avril-2020-plus-de-solidarite-et-d-intelligence-collective-pour-preparer-le-monde-d-apres

[2] https://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/20200331_-CP_Teleconsultations_Covid_19.pdf

[3] http://www.odoxa.fr/sondage/panorama-telemedecine-aujourdhui-perspectives-lavenir/

[4] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/07/yann-le-cun-les-applications-benefiques-de-l-intelligence-artificielle-vont-de-loin-l-emporter_6028812_3232.html

[5] https://doshas-consulting.com/publications/interview/136-l-intelligence-artificielle-le-stethoscope-2-0-de-la-medecine-5p

[6] La Médecine Numérique : nouvelle spécialité… nouvelle médecine ! C.Richard, https://doi.org/10.4267/2042/68725

[7] https://atraksis.fr/

[8] https://doshas-consulting.com/publications/interview/124-la-solution-speakylink-deployee-gratuitement-en-faveur-des-soignants

[9] https://www.stayingalive.org/index.php?lang=fr

[10] https://doshas-consulting.com/nos-offres/134-programme-ma-sante-2022

[11] https://www.isere.fr/isereadom?_ga=2.198025263.1882290790.1592628086-1093716606.1592628086

[12] https://doshas-consulting.com/publications/interview/114-la-medecine-5p-au-service-de-la-prevention-et-des-usagers-3-0

[13] https://doshas-consulting.com/publications/perspectives/102-dispositifs-medicaux-et-objets-connectes-non-dm-l-imperative-distinction

[14] https://www.polytech-grenoble.fr/menu-principal/formations/technologies-de-l-information-pour-la-sante-171842.kjsp

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