Lucile Bruchet, directrice ONAPS
Faire bouger les corps et les lignes, un diagnostic sans appel !
En cette période pré olympique et alors que la Grande Cause Nationale 2024 est celle de l’activité physique, l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité frappe fort avec une campagne photo mettant en scène des sportifs au palmarès remarquable, en situation de sédentarité. Une sédentarité aux impacts délétères à ne pas confondre avec l’inactivité. Le point sur les comportements, les recommandations et les raisons d’agir, avec Lucile Bruchet, la directrice de l’ONAPS.
« Une minute d’activité physique en plus ou une minute de sédentarité en moins, c’est déjà une petite victoire au quotidien ». Ce message de prévention santé, Lucile Bruchet ne cesse de le répéter avec un large sourire. Pour la dynamique directrice de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS), c’est en effet un devoir d’aller chercher les personnes les plus éloignées de la pratique, « notre cœur de cible », comme d’agir pour atténuer les inégalités sociales et territoriales de santé.
La sédentarité n’est pas l’inactivité physique !
Pour faire bouger les consciences, l’ONAPS voit le jour en 2015, sous l’impulsion du professeure Martine Duclos, endocrinologue, physiologiste, cheffe du service de médecine du sport du CHU de Clermont-Ferrand et profondément convaincue que l’activité physique et la sédentarité représentent d’énormes enjeux de santé publique. Le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques soutient dès le départ l’association loi 1901, dans sa dynamique de recenser les données existantes et d’en récolter de nouvelles, partout où elles font défaut. Sur cette base de documentation scientifique étoffée (en libre accès sur le site https://onaps.fr/productions/), l’observatoire a pour finalité de lutter contre les comportements sédentaires et d’agir en en faveur de l'activité physique auprès de toutes les populations, quels que soient l’âge, l’état de santé, les situations sociales et les territoires. « Notre mission est aussi d’informer et de sensibiliser car il existe une grosse confusion dans les esprits sur la définition même des termes. On croit souvent, à tort, que la sédentarité est le contraire de l’activité physique alors que ce sont deux problématiques bien distinctes. Il faut également différencier l’activité physique du sport, qui est régi par des règles initiées par des fédérations. »
Pour clarifier, l’activité physique englobe toute activité où une proportion importante du corps est en mouvement. Elle se définit par un ensemble de critères tels que la durée, l’intensité, la fréquence, le type et le contexte. Ses nombreux impacts sanitaires positifs n’étant plus à démontrer, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini des recommandations variant selon les tranches d’âge. Pour les adultes, elle préconise minimum150 minutes par semaine d’intensité modérée à élevée, de préférence fragmentées en 30 minutes minimum 5 fois par semaine. « Être inactif, c’est donc ne pas remplir ces recommandations ». Sachant que la notion d’intensité de l’effort est importante. « Il faut toujours chercher un petit essoufflement, une sensation de chaleur, de pouls qui s’accélère selon les possibilités de chacun. Par exemple, essayer de marcher en ayant une bonne cadence, sinon c’est de la déambulation et donc de l’activité physique à intensité légère. » Mais pas de la sédentarité…
Deux défis par semaine pour rester en forme
Les comportements sédentaires sont, quant à eux, tous les moments où le corps est assis ou allongé (hors temps de sommeil qui répond à un besoin physiologique) et où il dépense très peu d’énergie. « Les répercussions sont catastrophiques pour la santé, puisqu’une sédentarité accrue, - c’est-à-dire plus de 7 heures par jour - augmente par 2,5 le risque d’avoir une maladie cardio vasculaire et par 2 celui d’avoir un diabète de type 2, sans parler des risques d’anxiété, de dépression et d’obésité. Pour les gommer, une étude d’Ekelund de 2016 précise qu’il faudrait avoir une activité d’intensité moyenne de 60 à 75 minutes par jour, ce qui est très difficile à réaliser ! » La réalité est implacable : 30 minutes à une heure de footing tous les soirs, à une bonne intensité, ne compense pas les conséquences délétères d’un comportement sédentaire ! En revanche, il est possible de casser la sédentarité et d’agir sur les effets physiologiques, notamment la régulation de la glycémie. « Il y a un consensus scientifique qui préconise une rupture d’1 à 3 minutes toutes les 30 minutes à 60 minutes. Précisons aussi que rester moins de 4 heures par jour en position assise fait diminuer de 32 % le risque de mortalité par maladie cardio vasculaire ! »
« En résumé, nous avons deux défis par semaine à tenir : Faire 150 minutes d’activité physique et diminuer notre sédentarité. » Pour y parvenir toutes les astuces sont bonnes : sonneries de rappel, éloigner l’imprimante de son bureau, téléphoner en marchant, faire des réunions en mouvement, utiliser un pédalier ou un bureau assis debout, des solutions faciles d’accès selon Lucile Bruchet, et surtout sensibiliser le monde du travail. « Après avoir été sollicités par le MEDEF et Paris 2024, nous avons réalisé une revue de littérature pour convaincre les entreprises de toutes tailles de passer à l’action. »
Inciter les territoires à bouger plus avec Paris 2024
Ce travail s’inscrit dans la démarche « Bouger plus » du programme Impact et Héritage de Paris 2024 qui compte bien profiter de l’élan olympique de cet été pour mettre tous les Français en mouvement. Avec le collectif Pour une France en forme et le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, l’observatoire a co-réalisé 21 fiches action à destination des collectivités territoriales labellisées Terre de Jeux 2024. Il a aussi réussi à construire une méthodologie de diagnostics territoriaux, à destination des Communautés de Communes et des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Elle a été présentée fin mai avec succès lors des Rencontres nationales du Réseau Français Villes-Santé 2024 dont la thématique était Activités physiques et sportives dans l'espace public : accessibilité, équité et santé. « Pour cette expérimentation menée sur le territoire de Billom, dans le Puy-de-Dôme, nous avons découpé le territoire en fonction de différents indicateurs socio-économiques, du nombre d’équipements, des kilomètres de pistes cyclables... Nous avons répertorié les offres proposées dans les associations, les clubs, les écoles, les maisons de quartier, les EHPAD et autres centres d’accueil... Nous avons questionné les élus, les professionnels de santé ainsi que la population, de la femme enceinte aux seniors, pour comprendre ses freins et leviers à la pratique. Notre volonté est de décloisonner une organisation très verticale pour que les acteurs se connaissent et parviennent à travailler ensemble dans des comités de pilotage et une démarche participative. »
Conçu comme un outil d’aide à la décision, cet état des lieux a donné des résultats concrets avec l’ouverture d’une antenne de maison sport santé, la révision du schéma cyclable, la mise en place de design actif dans les cours d’école, la formation d’enseignants et de professionnels de santé, la création d’un parcours au bord de l’Allier mêlant activité physique et culture. « Ce modèle de diagnostic, transposable sur n’importe quel territoire, fait non seulement bouger les lignes de la santé mais aussi celles du développement durable et de son attractivité ! »
Bio express
Titulaire d’un master Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), filière exercice sport santé handicap, Lucile Bruchet décide de compléter sa formation et son approche de la prévention santé avec un IUT Génie biologique diététique. Après avoir exploré l’aspect nutrition en tant qu’attachée de recherches cliniques, elle rejoint un Institut fédératif de recherche puis un cluster public-privé en cours de création, Nutravita, dédié à l’alimentation, la nutrition et la santé.
Depuis 2021, elle est directrice de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS), dont le siège se trouve à la Faculté de médecine de Clermont-Ferrand.
Repères
Activité physique
Toute activité où une proportion importante de notre corps est en mouvement
Recommandations
- 1-4 ans : Au moins 180 min/jour d’AP à intensités variées, dont 60 min d’intensité modérée à élevée pour les 3/4 ans.
- 5-18 ans : Au moins 60 min/jour d’AP de type endurance d’intensité modérée à élevée dont au moins 3 fois/semaine des AP d’intensité élevée, des AP qui renforcent le système musculaire et osseux.
- Adultes : 150 min à 300 min/semaine d’AP de type endurance d’intensité modérée ou 75 à 150 min d’intensité élevée (de préférence en 5 fois/semaine) et 2 fois/semaine de renforcement musculaire
Sédentarité
Tous les mouvements où nous sommes assis ou allongés, hors temps de sommeil, et où nous dépensons très peu d’énergie
Recommandations
- Bouger 1 à 3 min toutes les 30 à 60 min.
- Ecrans : pas avant 2 ans | 2-6 ans : maximum 1h /jour |
- 7-12 ans : maximum 2h/ jour | 6-18 ans : limiter les temps d’écran, principalement pendant les temps de loisirs
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