Laurie MARRAULD, Maîtresse de conférences à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

Maitresse de conférences, depuis 2015, à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) en sciences de gestion des organisations de santé, Laurie Marrauld explore d’abord comme champ d’investigation la santé numérique ainsi que les enjeux de télémédecine et de digitalisation de la santé. Progressivement, elle s’intéresse à la question de la soutenabilité de notre système de soin avant de vivre « une sorte de réveil écologique » dans sa vie personnelle. « Préoccupée par les liens unissant santé et environnement, je suis assez vite arrivée sur la question climatique. » C’était il y a huit ans. De la réflexion à l’action, elle s’investit depuis, avec une belle énergie, pour faire bouger les mentalités et les pratiques !

L’impact environnemental sur la pression hospitalière

« Les études menées avec les équipes du Shift Project ont montré que notre système de santé est assez polluant, autour de 8% de l’empreinte nationale, un pourcentage qui correspond aux ordres de grandeur des pays développés. » Cheffe de projet santé bénévole au sein de ce think tank, Laurie Marrauld oeuvre activement sur la mesure des risques sanitaires et psycho sociaux du numérique, tout en envisageant sa décarbonation.

En parallèle, elle a monté l’année dernière une chaire de recherches intitulée RÉsilience en Santé, Prévention, Environnement, Climat et Transition (RESPECT) portée par l’EHESP et financée par le groupe AESIO Mutuelle.

« L’objectif est de travailler sur deux thématiques. Le premier axe s’articule autour de la santé-environnement avec un profil de doctorants spécialisés en épidémiologie pour regarder les effets de certains facteurs environnementaux et du dérèglement climatique sur la population, l’idée étant d’être en capacité d’estimer les besoins des territoires en fonction des impacts détectés et de leurs répercussions sur la pression des services de santé au niveau local. Le deuxième axe consiste à dessiner les contours d’un management environnemental et d’une transition écologique auprès des CHU et cliniques que nous accompagnons, dans une logique de recherche-action. »

 

Un réveil collectif des consciences

À côté de ses activités de recherches, Laurie Marrauld mène également une carrière d’enseignante, notamment au sein de la formation Changement Climatique, Transition Et Santé (ChanCES) de l’EHESP, destinée aux professionnels de santé, soignants et non-soignants. « Avec plusieurs collègues, nous travaillons de manière interdisciplinaire sur la gestion de la santé en rapport avec l’environnement, le management environnemental de la santé, la transition et la redirection écologique des établissements de santé.

L’objectif de cette formation initiale est que l’intégralité des élèves, futurs directeurs d’hôpital ou d’établissement médico-social, ait un minimum de compréhension de ce qu’est le système climatique, de la manière d’agir pour favoriser une prise de conscience du niveau de dépendance aux énergies fossiles, tout en encourageant les actions à mener pour la réduire, sans oublier la résilience face aux changements environnementaux. » Une formation continue sur la manière de déployer des projets de transition écologique dans les institutions et établissements de santé complète cette démarche ayant pour ambition d’intégrer, de façon affirmée, le développement durable et la responsabilité sociétale, dans une vision systémique prospective et collective du monde demain.

Si à l’échelle européenne le Royaume-Uni se distingue par une prise en compte institutionnelle de ces enjeux - le NHS ayant amorcé sa politique de décarbonation des systèmes de santé depuis 2009 - les autres pays sont, selon elle, au même niveau de réveil collectif des consciences. « La France se positionne dans cette mouvance avec, de mon point de vue, une légère avance conceptuelle, car je pense que nous avons assez vite dépassé la vision d’un technosolutionnisme pur en gardant un attachement pour l’ingénierie, le calcul du diagnostic, la planification et des outils de pilotage à la française, en même temps qu’un amour des sciences humaines pour percevoir la santé comme un phénomène social interagissant avec différents environnements et secteurs économiques. »

 

Un sujet fédérateur

Laurie Marrauld est également une des cinq personnalités qualifiées à assurer une mission de conseil et de suivi des travaux menés dans le cadre du comité de pilotage de la feuille de route pour la planification écologique du système de santé. Une manière pour elle de prolonger son engagement à titre personnel et bénévole. Elle fait également partie d’un groupe de travail qui va participer avec le ministère de la Transformation de la fonction publique, à la formation des managers hospitaliers puis de toute la fonction publique hospitalière, aux enjeux de transition écologique.

« Globalement l’accueil sur ces questions est très positif. C’est un sujet fédérateur qui permet de motiver les équipes et d’être vraiment dans une logique de participation. Ce qui diffère, c’est l’attention portée selon les regards. Les soignants sont généralement plus intéressés par ce qui impacte leur pratique quotidienne, à savoir la gestion des déchets, le réutilisable, le jetable, à l’exception des anesthésistes, très attentifs aux émissions de gaz. Du côté des directions, il émerge un soucis de pilotage de la décarbonation permettant d’agir sur l’ensemble de l’établissement, de la consommation d’énergie du bâtiment aux amortissements des achats soutenant la digitalisation de la médecine. »

 

Informer, sensibiliser et accompagner

« La clé, c’est la compréhension au sens large des enjeux de santé environnement. Nous devons environ 15% de notre capital santé à la génétique, les autres déterminants étant nos conditions sociales, nos comportements, l’accès au soin, nos cadres de vie et notre environnement immédiat. » D’où la nécessité d’établir, auprès de la population, un lien direct pour donner du sens aux campagnes d’informations et de prévention, dans la compréhension du monde tel qu’il est. « Il faut tenter de sensibiliser sur l’émerveillement pour le vivant, sur notre dépendance à la biodiversité, à l’air respiré qui est un facteur de développement de maladies et à l’importance d’un climat stable, garant de notre alimentation et notre sédentarité.

De manière prospective, c’est en sachant ce que représente un impact environnemental sur notre santé que nous parviendrons à éduquer enfants, adolescents et adultes, pour ensuite impulser des dynamiques de changement avec des leviers forts comme par exemple celui de la commande publique. » En intégrant aussi que le soin écologique peut être de meilleur qualité pour les patients. Dans sa relation aux professionnels de santé, la formation du monde libéral à ce type de sujet est nécessaire pour véhiculer les bonnes pratiques. « Nous disposons d’outils territoriaux comme les CPTS qui pourraient servir de relais à ce travail de diffusion, pour que le concept de One Health prenne sa pleine mesure. »

Bio express

Maîtresse de conférences à l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP), Laurie Marrauld est initialement experte de la question des usages des technologies numériques en santé.

Docteure en sciences de gestion, elle est fondatrice de la chaire RESPECT. Depuis 2019, elle dirige au sein du think tank The Shift Project, les travaux de recherche alimentant le rapport sur la décarbonation de la santé.

Elle est également à l’initiative de la formation ChanCES portée par l’EHESP.

Conception : Doshas Consulting
Responsable de la publication : Didier Ambroise
Rédaction : Cécile Jouanel
Conception et réalisation : Studio Bleu Canari / Agence Biskot.Bergamote

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