Valérie Marchand

Au niveau mondial, GS1 conçoit et diffuse des standards de communication interopérables, validés par les différents acteurs. Responsable des filières Industries techniques et santé pour la France, Valérie Marchand souligne l’enjeu d’une meilleure traçabilité des produits, notamment celle des médicaments et des dispositifs médicaux.

Organisation non gouvernementale créée en 1972 afin d’élaborer des standards d’échanges d’informations adaptés aux besoins du marché mondial, GS1 est composée de 112 organisations locales, complètement autonomes et toutes membres du global office situé à Bruxelles. Comme l’explique Valérie Marchand, responsable du pôle Industries techniques et santé de GS1 France ‘‘ les entreprises doivent adhérer à une de ces organisations, généralement celle du pays du siège social, pour avoir accès à tous nos standards ainsi qu’à un ensemble d’outils leur permettant d’améliorer leur chaîne logistique, des commandes aux livraisons, en passant par la facturation et les paiements, tout en combattant la contrefaçon. ’’ L’objectif est donc de fournir aux acteurs et aux régulateurs un format que tout le monde puisse utiliser après l’avoir, préalablement, validé. ‘‘ Qu’il s’agisse de codifier les produits, les entreprises, les lieux et les unités logistiques, chacun est sûr de parler de la même chose, et ce, quelque que soit la zone géographique de la planète ! Nos standards de codes à barres, linéaires ou à deux dimensions, assurent ainsi aux produits une précieuse traçabilité. ’’

 

L’interopérabilité, le maître mot

Cette standardisation garantit que la transmission des données aux bases réglementaires, en utilisant un format commun, évite aux industriels un fastidieux travail de vérification et de mise à jour. ‘‘ Il existe une multitude de termes pour demander une même information, chaque client disposant de son propre lexique et format. Sans langage commun, le format d’échange est à chaque fois différent. Il faut implémenter, mettre à jour et toujours veiller à ne pas se tromper… ’'

Le rôle de Valérie Marchand et de son équipe est donc de faire en sorte que les différentes filières utilisent des structures de communication communes. ‘‘ Aujourd’hui, aucune filière n’est totalement étanche. Les circuits de distribution sont multiples. Il est donc primordial pour une entreprise d’avoir à sa disposition des standards ouverts et interopérables. L’interopérabilité est d’ailleurs notre maître mot. C’est cela qui nous conduit à travailler avec l’ensemble des acteurs de la chaîne. ’’

 

La déontologie ‘‘ user driver ’’

Contrairement à des normes ou des réglementations agréées par des organismes habilités, GS1 diffuse des standards de communication validés par l’écosystème lui-même. ‘‘ C’est ce que nous appelons la déontologie ‘‘ user driver ’’, à savoir que le choix final revient à nos adhérents et donc au marché. C’est pourquoi nous veillons à avoir une répartition équilibrée du secteur dans tous les travaux que nous menons, avec un nombre minimum d’industriels, de prestataires, d’établissements hospitaliers…’’ Le processus est simple et efficace. ‘‘ Une fois la demande identifiée - comme récemment celle d’un laboratoire pour l’aider à tracer ses essais cliniques - nous réunissons en conférence téléphonique internationale les entreprises intéressées afin qu’elles nous décrivent leurs

besoins et nous expliquent comment elles comptent utiliser nos standards. Après ce temps d’échanges et de discussions, nous leur proposons une solution qui sera expérimentée en phase pilote, durant 6 à 18 mois selon les cas, avant d’envoyer la validation en public review. Si nécessaire, nous envisageons certaines modifications directement avec les acteurs qui les utilisent et veillons également à ce que nos méthodes de codification collent au plus près des critères normatifs et réglementaires. ’’

 

Associer les éditeurs de logiciels...

L’organisation oeuvre aussi auprès des professionnels des logiciels. ‘‘ Comme ils ne sont pas des utilisateurs en tant que tels, nous les associons à notre club GS1 partenaires où ils sont régulièrement informés de nos nouveautés en matière de modèles de fiches produits, de facture électronique pour les PME et de toutes nos avancées dans la gestions des données. ’’ Des innovations qui, si elles ne sont pas implémentées par les éditeurs, ne seront jamais accessibles aux utilisateurs. Une réalité d’autant plus vraie dans les industries de santé dont Valérie Marchand connaît bien les enjeux. ‘‘ Notre finalité est de parvenir à tracer tous les produits utilisés en milieu hospitalier ou en hospitalisation à domicile, en maison de retraite, dans le secteur de la pharmacie et de la para-pharmacie pour qu’ils soient correctement identifiés avec un seul code à barres et puissent être lus automatiquement par les professionnels de santé, qui pourront alors lier ces informations à un dossier patient. ’’ Une méthode qui sécurise le stockage et l’enregistrement des médicaments ou des dispositifs médicaux et permet de suivre facilement la date de péremption, les numéros de lot et série ‘‘ pour, qu’en cas de rappel, on sache précisément à qui ils ont été administrés ou implantés. ’’

 

... et s’appuyer sur de nouvelles réglementations

‘‘ Pour renforcer ce travail, nous allons disposer de deux nouvelles réglementations relatives aux dispositifs médicaux (DM) et à la sérialisation des médicaments. La première fait suite aux bases de la Global Unique Device Identification, posées par un groupe de travail international en 2011 et administrée aux États-Unis par l’agence des denrées alimentaires et des médicaments, la Food and Drug Administration (FDA) qui référencie un peu plus de 1,6 millions de codes. ’’ En Europe, une révision complète devrait renforcer la sécurité sanitaire et encourager au sein de l’Union, les études et statistiques visant à évaluer les aspects épidémiologiques des DM. ‘‘ Aujourd’hui, il est impossible de mener des recherches puisqu’il existe quasiment un code différent par pays et par établissement hospitalier ! ’’ La majorité des dispositions de ce nouveau cadre législatif rentrera en application en mai 2020. Pour l’anticiper, plusieurs groupes de travail se sont montés, au sein de GS1, sur la standardisation des fiches-produits des DM et des médicaments. ‘‘ Là aussi, notre ambition est qu’à chaque médicament délivré sur prescription soit associé, par l’intermédiaire d’un Datamatrix, un numéro de série, transmis à une base de données européenne, qui permettra de renforcer les contrôles dans la lutte contre les marchés parallèles et la fraude au remboursement. ’’

Bio express

Au sein de GS1 France, Valérie Marchand est aujourd’hui responsable du développement des standards d’échanges d’informations dans les filières des Industries techniques et le marché de la santé. Forte d’une expérience d’une vingtaine d’années dans le secteur de la santé, elle participe également aux travaux internationaux du GS1 Healthcare.

Repères

Depuis sa création en 1972 ‘‘ par des entreprises pour des entreprises ’’, GS1 a pour mission de développer, diffuser et promouvoir un langage commun, fondé sur des standards d’échanges d’informations qui favorisent la circulation en toute sécurité des produits et de l’information qui leur sont liées. Association non gouvernementale de droit belge, basée à Bruxelles, elle couvre 150 pays avec plus de 1 500 000 entreprises adhérentes dans le monde. En France, l’organisation réunit plus de 40 000 entreprises utilisatrices de ses standards et compte 157 adhérents dans son club GS1 Partenaires.

Regard Croisé de Didier AMBROISE, Associé fondateur

Depuis quelques années, le développement de la vente de médicaments via Internet s’accélère, mais l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 94% des pharmacies en ligne sont illégales.

Cela pose un problème plus large de contrefaçon des médicaments (et également des dispositifs médicaux). En effet, d’après l’OMS, le trafic mondial de médicaments est aujourd’hui 20 fois plus rentable que le trafic de drogues. On estime aujourd’hui qu’1 médicament vendu sur 10 est contrefait ; ce chiffre peut atteindre 7 sur 10 dans certains pays d’Afrique notamment.

En France, l’article R. 5125-74 du code de la santé publique permet au Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens de recenser 554 officines autorisées à vendre des médicaments en ligne par les Agences Régionales de Santé (ARS).

Évoqué par Mme Marchand, le décret n°2018-291 relatif à la sérialisation, dont l’objectif est d’assurer une sécurité et une traçabilité sur toute la chaîne d’approvisionnement des médicaments, est paru le 20 avril 2018 en France. Ce décret résulte de la transposition en droit français de la directive européenne 2011/62/UE votée en 2016. Ainsi, les industriels du médicament devront le mettre en oeuvre avant le 9 février 2019. Des standards de traçabilité tels que développés par GS1 serviront de support à la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement (code Datamatrix). En 2019, un pharmacien délivrera une boite de médicaments après avoir vérifié l’intégrité visuelle et l’authentification de l’identifiant unique par interrogation des registres nationaux et européens.

Des technologies de type Blockchain pourraient également jouer un rôle dans la traçabilité des médicaments et faciliter des rappels de lots, comme cela a été le cas mi-juillet 2018, où une substance cancérigène a contaminé le principe actif d’un médicament (Valsartan pour traiter l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque…) fabriqué par plusieurs laboratoires : soit une cinquantaine de spécialités et présentations de neuf firmes pharmaceutiques différentes. Pour la France, les autorités sanitaires estiment à environ 1,3 million le nombre de personnes concernées.

Bio express

Ingénieur en technologies de l’information pour la Santé, Didier Ambroise, associé fondateur du cabinet Doshas Consulting, intervient depuis toujours de manière opérationnelle sur les projets d’innovations et de e-Santé. Il est membre du Conseil de perfectionnement et du Conseil pédagogique de l’École Polytechnique de l’Université Grenoble Alpes, où il enseigne également. Il intervient dans la formation ‘‘ e-santé ’’ à CentraleSupélec.

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