Sylvie Touzeau, responsable de l’espace Niort Tech

Niort, berceau de l’assurance mutualiste, s’apprête à relever les nouveaux défis de la transformation numérique avec Niort Tech, une initiative dédiée à l’innovation numérique et French Assurtech, un accélérateur de start-up comptant déjà de belles levées de fonds. Très investie dans le dynamisme de cette filière, Sylvie Touzeau revient sur la genèse de ce dispositif dont l’ancrage sociétal et territorial est une de ses originalités. Un témoignage stimulant et positif !

C’est en 2012 que la communauté d’agglomération du Niortais décide de favoriser la filière numérique. Sylvie Touzeau, arrivée un an auparavant au service économique, s’empare du sujet. « Nous avons tout de suite travaillé de manière collaborative avec les entreprises du territoire. En leur envoyant un questionnaire pour connaître leurs attentes, nous avons eu un taux de retour formidable qui nous a permis de mieux cerner leurs attentes et de définir les trois axes d’un développement stratégique qui nous anime encore aujourd’hui. A savoir, l’emploi et la formation, l’aménagement du territoire et le marketing territorial. ». Responsable de l’espace Niort Tech, elle explique la genèse du projet. « Le moteur de l’économie locale vient de l’implantation des mutuelles qui ont commencé, depuis quelques années, à externaliser un certain nombre de solutions informatiques et digitales, en s’appuyant sur des entreprises de services du numérique (ESN). » La filière compte 160 entreprises et avoisine les 4500 emplois, des chiffres exceptionnels pour la taille d’une ville comme Niort ! Revers de la médaille, une certaine difficulté à recruter et à attirer les profils recherchés, sur cette région au cadre de vie pourtant privilégié...

 

Un territoire atypique et dynamique

Pour remédier à cette pénurie, deux job dating annuels sont organisés par la collectivité territoriale avec pour chacun environ 250 postes à pourvoir en CDI. « L’accent est également mis sur la formation supérieure, notamment en alternance, avec la volonté affichée de multiplier par deux le nombre d’étudiants d’ici quatre à cinq ans. » L’idée étant de montrer à ces jeunes talents, l’attractivité de ce territoire qui, s’il fait peu parler de lui, dispose de réels atouts à mettre en valeur. « Quatrième place financière de France avec l’implantation de nombreux sièges sociaux d’assurances mutualistes, le Niortais est extrêmement bien desservi, à deux heures de la capitale en TGV et bénéficie d’une situation géographique agréable. Le taux de chômage y est inférieur à la moyenne nationale, avec une très forte représentation de cadres supérieurs. » Quand au prix de l’immobilier, il ferait pâlir d’envie tout habitant de la région parisienne…

 

De Niort Tech à French Assurtech

Porté par l’ensemble de ces dispositions prises par la communauté d’agglomération, Niort Tech est donc le fruit de l’animation de cet écosystème numérique. « Pour aller plus loin, nous avons souhaité réunir autour de la table les DSI des mutuelles, pour qu’ils puissent se connaitre, échanger et créer, ensemble, un projet commun qui ait un impact sur le territoire. » Cet élan aussi original qu’innovant a donné naissance, en 2018,  à l’accélérateur de start-up French Assurtech.  « Au départ, il regroupait exclusivement des structures niortaises, Groupama Centre Atlantique, IMA, la MAAF, la MACIF et la MAIF, avec en soutien l’agglomération et le Medef des Deux-Sèvres. A ces mutuelles sont venues s’agréger d’autres structures comme les Mutuelles de Poitiers, SMACL Assurances l’année dernière et P&V, un groupe mutualiste belge qui nous rejoint dans l’aventure. »

L’objectif de French Assurtech est d’accompagner les start-up qui sont parrainées par des salariés des mutuelles, aux compétences diverses. Un coaching hebdomadaire est assuré pour chacune d’entre elles, complété par des ateliers de travail une fois par mois. De plus, des checkpoints trimestriels permettent de questionner l’avancement des projets et de mettre en perspectives de nouvelles opportunités de développement. « Ces points d’étape sur l’avancée des collaborations conduit à un esprit de « coopétition » inédit et enrichissant. Si chaque mutuelle est effectivement concurrente, toutes collaborent et avancent de manière partenariale, contribuant ainsi au dynamisme du marché de l’assurance et à l’attractivité du territoire. » Et les résultats de cette belle opération ne se sont pas fait attendre !

 

Prévenir une « uberisation » de l’assurance

La première session lancée en 2018 a réuni une start-up par mutuelle, soit cinq au total. « Nous avons assisté à de belles performances réalisées notamment par Coorganiz dont l’application sous forme d’agenda partagé aide les familles dans leur organisation quotidienne et Testamento, première plateforme de sensibilisation et de transmission du patrimoine. » Deux exemples de services, complémentaires aux métiers de l’assurance. En 2019, sept start-up ont été sélectionnées avec de beaux projets en cours de levée de fonds. « Pour le batch 3, nous avons reçu plus de 80 dossiers d’excellent niveau à la suite de l’appel à projets. Face à cette montée en compétences et en capacité d’accompagnement, l’association s’est dotée d’un permanent, désigné par les mutuelles, pour le pilotage opérationnel de French Assurtech. Ses membres se réunissent régulièrement pour réfléchir à l’avenir et aux nouvelles modalités qui permettront de pérenniser le dispositif, dont la dimension dépasse largement les frontières du Niortais et rayonne désormais au niveau national et européen. »

Si l’on évoque un risque éventuel de concurrence, Sylvie Touzeau se veut rassurante. « En donnant aux start-up la possibilité de tester leurs solutions grandeur nature, l’intérêt pour les mutuelles est de pouvoir proposer à l’avenir de nouveaux services, en marque blanche, à leurs sociétaires. Cette démarche d’open innovation a été initiée, il y a quelques années, par la MAIF. Aujourd’hui, toutes les compagnies d’assurances ont bien compris les enjeux de ce type de démarche intelligente, pour pouvoir affronter le risque d’une ubérisation de leur métier. » Les pépites 2020 axeront leurs recherches autour de trois thématiques : l’intelligence artificielle dans la lutte contre les cyberattaques, le big data dans une démarche prédictive des comportements des assurés et la relation client, pour améliorer le parcours des assurés.

Bio express

Sylvie Touzeau intègre, en 2011, le service économique de la communauté d’agglomération du Niortais, au sein duquel elle anime la filière numérique sur le territoire. S’étant beaucoup impliquée dans le lancement de l’association Niort Tech, elle est depuis octobre 2019, responsable du site Niort Tech, lieu totem qui accueille des formations supérieures, un espace de coworking, des bureaux start up et un certain nombre d’animations comme l’accélérateur French Assurtech.

Repères

Niort Tech, un nom pour deux entités

Niort Tech est à la fois le nom de l’écosystème numérique agile et performant, dédié à l’assurance de demain, porté par une structure associative et depuis peu celui d’un lieu totem, situé 12 avenue Bujault, ouvert aux jeunes pousses françaises de l’Assurtech. Il héberge notamment l’accélérateur French Assurtech, porté par une structure associative, ainsi que des entreprises de la filière du numérique.

Regard Croisé de David Bigot, Membre du COMEX, Groupama Centre Atlantique

Sur un partenariat gagnant-gagnant

Pensiez-vous attirer autant de start-up à Niort Tech ?

« Dès la première année en 2018, l’affluence des start-up a été une très belle surprise. Une cinquantaine de start-up se sont présentées dans tous les domaines, notamment celui de la santé, avec toutes sortes d’initiatives liées à la e-santé, aux objets connectés et aux dispositifs de prévention médicale. Il faut reconnaitre que la grande majorité était intéressante et un certain nombre disruptive. L’année dernière, une société voulant monter une compagnie d’assurance a d’ailleurs postulé à Niort Tech, une démarche assez innovante quand on sait que dans notre secteur très peu de compagnies se créent. A Niort Tech chaque assureur parraine une start-up. Cette année, le nombre de candidatures a quasiment doublé, les partenaires vont donc essayer d’en accompagner deux. »

 

Quel est intérêt, pour vous assureurs, d’accompagner ces jeunes pousses et leur permettre de tester leurs projets ?

« Niort Tech est une association accélératrice plus qu’incubatrice pour faire de l’assurance « augmentée ». Par exemple les contrats santé que nous proposons à nos assurés offrent finalement assez peu de garanties de prévention. Aider les start-up à développer des solutions dans ce domaine va nous permettre de lancer différents services, à faible coût, avec une efficience très intéressante pour nos sociétaires et notre modèle économique. »

 

Dans cette logique, la mise en place d’un Chief Digital Officer (CDO), chez Groupama Centre Atlantique est un acte innovant.

« Groupama Centre Atlantique a décidé de créer cette fonction de la transformation digitale, depuis trois ans, dans l’idée de mener plusieurs actions. Acteur majeur et fédérateur, le Chief Digital Officer (CDO) a un rôle pivot pour aider notre entreprise à l’acculturation au digital tout en renforçant notre capacité à accompagner l’accélération voir l’incubation de start-up. Il assure un lien avec les métiers et garantit un relais local, particulièrement précieux au sein de French AssurTech. »

Bio express

Directeur Marchés Entreprises, Santé, Prévoyance et des SI de Groupama Centre Atlantique, David Bigot est membre du comité exécutif de la caisse régionale.

Conception : Doshas Consulting
Responsable de la publication : Didier Ambroise
Rédaction : Cécile Jouanel
Création graphique et réalisation : Agence Biskot.Bergamote
Crédit : Shutterstock

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